Faut-il pardonner pour guérir ?
Dans le travail personnel, on parle du pardon comme d’une étape inéluctable pour guérir des blessures de l’enfance. Mais de quelle pardon parle t-on ? De qui envers qui ? Comment, et pourquoi ?
Avant de commencer mon travail de lien avec mon enfant intérieur, j’étais persuadé d’avoir pardonné les erreurs de mes parents, d’avoir compris les raisons pour lesquelles ils les avaient faites.
En réalité, l’adulte en moi comprenait, mais la petite Amélie, elle, souffrait et se croyait en totalité, responsable de leurs fautes.
Comment, en contact avec la vivacité de mes souffrances d’enfant, pouvais-je, en fait réellement pardonner ?
Si quelqu’un faisait un dixième de ce que j’ai subi, à mes enfants, je condamnerai ses actes, sans hésiter, et je ferais tout pour lui en donner l’entière responsabilité.
Mais l’enfant, prendra sur lui, pour lui, les fautes de ses parents, commises envers lui, pour garder le peu d’amour et d’attention venant d’eux.
Car pour l’être sans défense qu’il est, c’est vital.
Et c’est là que nous nous retrouvons en dissonance, en conflit de loyauté.
L’adulte en nous, résultant de tous les masques et protections de nos blessures, affirmant que « tout le monde fait des erreurs », « ils avaient trop de problèmes pour s’en rendre compte ».
L’enfant, lui, souffrant de ne jamais avoir été reconnu victime des actes destructurant, voir destructeurs, de ses parents.
Il ne s’agit pas ici, de brandir la pancarte de victime et de la garder toute sa vie, mais d’accueillir dans sa totalité la souffrance non reconnue, dans laquelle est resté, pendant des années, l’enfant en nous.
Sans cela, nous aurons beau clamer que nous avons pardonné, la dissonance n’en sera que plus présente, et la scission entre nous et l’enfant, plus grande.
Car chaque fois que nous déclarons cela, sans avoir pris soin des blessures que l’on nous a infligées, nous ré-ouvrons les plaies, nous perpétuons l’héritage dysfonctionnel transmis par nos pairs.
De mon point de vue, le pardon commence donc, par la prise de conscience de l’enfant, de son innocence, et se poursuit, en rendant à ses parents, symboliquement ou réellement, la responsabilité qui leur appartient.
De là peut commencer un vrai travail de réparation et reconstruction de l’estime, de la confiance, de l’amour de soi.
Alors, le chemin du pardon, oui, mais étape par étape, car celui qui nous concerne, nous demandera beaucoup d’écoute, d’accueil et de patience, pour qu’en sécurité, nous puissions nous regarder en face, sans nous juger.
Et peut-être, qu’à un moment du chemin, il s’imposera à nous, pour les personnes qui nous ont blessées.
En attendant ce jour, je nous souhaite à tous, de prendre le temps d’écouter le chant véritable qui murmure au fond de nous, celui de qui nous sommes, vraiment.